De producteur de l’ombre à artiste d’exception !
• Présentation ⇒ Si ce n’est qu’aujourd’hui qu’ICON se lance en tant qu’artiste à part entière sur les devants de la scène avec « Alter Ego », son tout premier album, il faut savoir qu’Alexandre – de son vrai nom – peut se targuer, à seulement 28 ans, de posséder un CV bien garni. En effet, l’artiste de talent officie depuis près de quinze ans dans la musique, et a choisi de s’émanciper de sa condition de producteur pour véhiculer cette fois-ci ses propres rêves artistiques. Le temps d’un entretien inédit, il revient avec nous sur son parcours et sur le concept autour de ce premier long format d’exception, brillamment ficelé. Pour tout savoir sur le nouveau visage de la musique française, découvrez tous ses secrets dans les lignes à venir !
Live Actu : Comment t’es venu ce déclic, de vouloir toi-même arpenter ton propre chemin, de raconter tes histoires, et de faire de la musique pour toi à présent, après avoir constitué une sorte de carte de visite en tant que producteur dans un premier temps ?
ICON : Déjà, ça a été un assez long processus. À la base, je voulais tout faire au début, mais je me suis rendu compte que je n’étais pas spécialement prêt, et que je ne voulais pas être au devant de la scène. C’est assez particulier de se mettre soi-même en avant ! Mais ce que j’aimais bien dans le fait d’écrire pour les autres, comme tu as dit, c’est de faire ta carte de visite. D’apprendre plein de choses aussi. C’est un peu comme si tu étais en stage intensif, en train de travailler pour des gens… Là, j’en suis arrivé à un point où techniquement, je trouvais que j’avais appris tout ce que j’avais à apprendre. J’avais emmagasiné tout ce qu’il me fallait. Maintenant, en tant que personne et dans mon identité musicale, il y a des éléments qui sont beaucoup plus prononcés. Plus j’avançais, plus je me rendais compte qu’il n’y avait que moi qui pouvait les porter, et délivrer un message. Quand on travaille avec les autres, on ne peut pas les forcer à dire certaines choses, à prendre certaines directions. On est obligé de s’adapter à eux ! Moi, à la place du coup, plutôt que d’essayer à vendre en faisant parler les gens, je me suis dit qu’il fallait que je le fasse moi-même. Au final, j’y arrivais très bien, je détenais ce que je voulais exactement raconter et j’ai clairement pris cette tangente-là.
Live Actu : Pour rebondir face à ce que tu viens de dire, ce premier album, je l’ai écouté avant de lire ta biographie car je trouve ça systématiquement préférable de m’immerger dans la musique de l’artiste pour essayer de comprendre le personnage et l’univers. J’avais déjà entendu parler d’ICON, mais je me suis dit : « ce gars-là a un sacré bagage derrière lui » ! Le projet est ultra qualitatif, très bien produit, et on y ressent une multitude d’influences. Suite à l’écoute, ta biographie semble exhaustive dans le sens où sont mentionnées des influences telles que Drake ou encore The Weeknd etc… Mais ça va chercher encore plus loin, dans les classiques de la production électro made in France du style M83, des artistes un peu plus underground. Ce mélange-là, cette envie d’explorer autant d’univers, teintés parfois de pop, ancrés dans ce qui se fait actuellement mais toujours avec un certain recul pour ne pas ressembler à ce qui a été fait, comment ce processus t’est venu ? L’as-tu longtemps cogité ? Mine de rien, ton pseudo veut tout dire, tu es iconique à ta juste valeur dans ta faculté à renouveler le paysage musical actuel ! Tout est modélisé autour d’une résultante qui fonctionne, avec cette dose de prises de risques fort appréciables et assumées, très payantes !
ICON : Alors, woah ! Franchement je suis content, parce que là, quand tu as mentionné M83, je me suis dit : « Oh putain, enfin quelqu’un qui comprend ! » (rires). En fait, ce que les gens ne savent pas, c’est qu’à la base je viens de la musique électronique underground, hardcore, du rock… Je ne viens pas du tout de la pop ou du R&B, etc… C’est pour ça que l’on retrouve ce côté moderne dans mes chansons, car ce n’est pas de ça que je m’inspire du tout ! Du coup, je suis super content que tu me dises ça, parce que je me dis vraiment : « Ah ! Oui ! Enfin quelqu’un qui capte ! » Mais oui, en soi, j’ai beau être très réfléchi quand je fais ma musique, cette fois-ci, ça a été assez naturel dans le sens où, comme ça fait des années que j’emmagasine, avec le temps je me suis un peu construit mon identité musicale progressivement. J’ai passé un certain cap. Quand j’ai monté mon propre projet, je n’ai pas réfléchi tant que ça sur ce que je voulais mixer, sur les genres que je voulais retranscrire. Tout s’est plutôt passé dans ma tête. J’avais une conception de ce que je voulais faire depuis longtemps, mais je n’avais pas les outils à l’époque. Maintenant que je les ai, tout est venu assez facilement. Si je veux aborder tel thème, il faut que je le présente avec telle prod, de telle ou telle manière, tel courant artistique… Quand je bossais avec les autres, à vouloir chercher une résultante comme tu as dit, un format respecté entre parenthèses, il fallait trouver le hit, la chanson un peu sweet, le truc pour le concert. Là, je n’ai pas voulu faire ça, car comme cela fait plus de dix ans que je compose, que je réfléchis comme ça, j’allais tout de suite me formater et me remettre dans la peau du mec qui écrit pour les autres. Alors, comme j’ai voulu quelque chose de très spontané, je me suis dit : « tu sais quoi, fais ce que tu as à faire, comme tu l’entends, pousse le truc à fond » car comme tu l’as dit, étant donné que j’ai beaucoup bossé dans la production, je passe énormément de temps sur le sound design que je réfléchis de manière cartésienne. Pour la conceptualisation des morceaux, c’est très spontané, naturel, on les entend comme ça sort !
Live Actu : Dans l’idée, le principe de matérialiser cet album ainsi, c’était aussi une manière de te surprendre au même titre que le public ?
ICON : Exactement ! Ce qui est très bizarre pour moi, vu qu’à chaque fois j’étais habitué à travailler pour surprendre l’autre, pour créer une émotion chez l’autre, là j’ai effectué un travail thérapeutique, d’introspection à travers lequel je devais me définir, me découvrir. C’était vraiment un travail de découverte complet. Et comme tu l’as dit, à la fin je me surprenais moi-même. L’album, je l’ai fini il n’y a pas si longtemps que ça, et je n’avais pas eu le temps de le réécouter. Maintenant que je peux l’écouter, je me dis : « Oh la vache ! Ça c’est cool, ça c’est bien »… Même moi, je ne m’attendais pas à ce résultat-là !
Live Actu : D’ailleurs, dans ta démarche, on ressent que l’album ne renferme aucunement quelque hit qui se démarque. « Alter Ego » fait partie de ces projets qui arpentent un fil conducteur très ancré, très particulière, une ligne directrice certaine. Il n’y a pas un tube au-dessus d’un autre, l’ensemble forme un seul et même hit de par son approche, son histoire qui se détache des standards. Aussi, la direction artistique se veut suffisamment planante en fonction. Est-ce quelque chose que tu as imaginé selon un mood lors du début de la conception du projet ?
ICON : En ce qui concerne la séparation des morceaux. Est-ce qu’ils forment une espèce de symbiose ou non ? Je dirais que justement, à l’époque, mon travail c’était de faire le hit. « Alex, il nous faut absolument ce single radio, qui va faire des millions de vues » : C’est pour cela qu’on m’appelait, c’était mon job. Du coup, là, sur cet album, il y a peut-être quelques singles qui ressortent plus que d’autres. Le « Rihanna » par exemple, qui est beaucoup plus léger que les autres, on peut dire qu’il peut sembler plus formaté mais en réalité je trouve que j’ai utilisé la même formule sur toutes les chansons. Il y en a certaines où oui, ce sera plus planant, d’autres plus « lover/introspectif », d’autres ce sera plus agressif, plus énergique… Mais c’est vrai que je n’ai pas cherché à avoir cette espèce de format. Même moi, avec le label, il était compliqué de démarquer un single par rapport à un autre car tous remplissent plus ou moins la même fonction. Du coup, c’était un peu tricky à choisir.
Live Actu : Tu prends à contrepied les tendances actuelles en explorant les relations hommes/femmes sous de nouveaux angles originaux. Tu t’attèles aux désillusions amoureuses, aux discordes de couple, le tout sans te résoudre à une mise en abyme larmoyante. On ressent la prise de recul nécessaire, la réflexion de la condition sociétale d’une génération où l’amour et l’amitié semblent se confondre et semer le trouble… Pour aller encore plus loin, si l’on part sur la base du storytelling et d’une réflexion purement étoffée, ton album se compare à une construction progressive à la « To Pimp A Butterfly » de Kendrick Lamar pour ce qui est d’aborder une thématique précise sous toutes ses coutures.
ICON : Ah ouais tu sors l’artillerie lourde là ! (rires) Lui c’est très fort ce qu’il a fait ! Après, Kendrick sur « To Pimp A Butterfly », il fait une analyse de la société qui est assez impressionnante ! Mais, dans mon cas à moi, c’est vrai que de manière générale, surtout en français – parce qu’il ne faut pas oublier qu’à la base je faisais des chansons pour des artistes qui n’étaient même pas francophones, la France j’y suis depuis à peu près quatre ans – exprimer ou expliquer la relation hommes/femmes, surtout dans ce registre-là, en général c’était un peu binaire. C’est axé vers une direction que je ne souhaitais pas prendre. Ici, je voulais plus rentrer dans la réflexion, l’introspection sentimentale. Qu’est-ce que ça m’a fait ressentir ? Qu’est-ce que j’en retire ? Comment ça m’a fait réagir ? Aussi, cet album, c’était une manière de me projeter par rapport à l’autre. C’était aussi le besoin de se rendre un peu plus vulnérable, sans se mettre en position de force, de ressentir l’envie de dominer la relation. Moi, c’était plus dans le sens où je suis spectateur, je constate des choses. Après une rétrospective, j’essaie d’expliquer dans une trame narrative ce que tout ça donne finalement !
Live Actu : D’ailleurs, tu mets équitablement l’accent sur le sexe opposé ! Tu vas donner autant d’importance à l’homme qu’à la femme, créer une symbiose certaine afin de mettre chaque protagoniste sur un même pied d’égalité. Cette histoire me rappelle un peu le groupe The Pirouettes, où le duo se donne la réplique après séparation amoureuse en vue de maintenir la paix malgré tout.
ICON : Exactement, en plus c’est marrant que tu parles de The Pirouettes, j’écoutais un de leurs singles il n’y a pas longtemps et j’ai beaucoup aimé ! J’ai grave kiffé « Encore Un Peu D’Amour » !
Live Actu : Quelque chose est très déconcertant aussi dans ton univers, c’est cette faculté à jouer avec nos sens jusqu’à nous en faire oublier ce que sont les couleurs froides, et les couleurs chaudes. Tu as misé sur quelque chose d’assez sobre en somme, très esthétiquement recherché au-delà de la musique en elle-même. Il y a un vrai complexe dans la cinématographie qui m’a fait me perdre dans le contexte, dans le sens où j’ai remis en question mon écoute au gré des clips qui nous poussent à davantage lire entre les lignes. La réflexion est-elle plus poussée pour ce qui est d’appréhender les sentiments humains ? Le contraste maîtrisé et voulu ne permet-il pas de revaloriser sa condition et de rebondir face à des épisodes déceptifs ?
ICON : Alors, pour les visuels, je voulais quelque chose, comme tu as dit, d’assez sobre, mais beau. Ce qui représente ma musique. Je n’essaie pas d’en faire des tonnes, je veux juste aller droit au but. Mais ce n’est pas parce que je fais quelque chose d’assez sobre que cela en devient simplet. D’abord, je vais te parler de la musique puis du visuel. Dans ma musique, quand on écoute la première fois, si l’on écoute très rapidement comme ça, on va se faire une première idée qui va être très différente une fois que l’on aura réécouté deux-trois fois le même morceau, ou le projet entier. À première vue, c’est tout le concept de mon album parce que techniquement, a priori, ça paraît quelque chose d’assez chaleureux, presque dansant, d’assez léger. Mais vraiment, lorsqu’on commence à prêter davantage attention aux paroles, on se dit : « Ah ouais mais en fait ce n’est pas si joyeux que ça ce qu’il raconte ! » Parfois, il peut même y avoir un ton accusateur alors bon… Pour les clips maintenant, c’est un peu différent. Le but, c’était d’essayer de représenter cette fameuse dualité, que l’on peut retrouver, cette bipolarité presque qu’il y a dans les morceaux, à l’écran. Ce qui est beaucoup plus difficile car il faut un fil conducteur, sinon, comme tu l’as dit, on se perd. Donc, le truc, avec les singles que l’on a choisis, « Rêveur », « Palala » et « Sans Lendemain », même s’ils sont au sein d’un même projet, ils ont tous les trois un message très différent. Ce qui fait que pour avoir une trame, ou une espèce de ligne conductrice, c’était un peu plus compliqué. Avec « Rêveur », on a capturé le côté un peu éthéral, très léger. Un espèce de dream intemporel. On ne sait pas où l’on en est… Ça, c’est assez facile à comprendre mais pourtant il y a cette interaction très mystérieuse déjà qui fait que l’on me découvre que tout à la fin. La fille, techniquement on la voit mais on ne sait pas très bien qui c’est. Il y a une certaine ambigüité. Dans « Palala », on en arrive à quelque chose qui s’inscrit plus dans le vif du sujet. Enfin, dans « Sans Lendemain », je montre tout ce que j’espérais à savoir le côté protagoniste. Avec les deux premiers clips, je montrais l’univers esthétique de ma musique. Avec « Sans Lendemain » puis le prochain qui vient avec la sortie de l’album le 12 novembre, je montre ce côté plus profond, l’âme de ce que je raconte. Et donc j’expose le personnage ICON.
Live Actu : Cette dualité, c’est aussi pourquoi je te parlais du choix des couleurs et des tonalités qui peuvent paraître chaudes par rapport au message parfois, transpose le relativisme finalement. Il y a ce côté protagoniste totalement assumé doublé d’une lueur d’espoir omniprésente ! Cette approche thérapeutique, te livrer ainsi, à cœur ouvert, avec tes failles et tes plus belles qualités permet, à travers ta musique, finalement ça ne définit que ce que signifie être humain ?
ICON : C’est ça… Franchement c’est tellement dur de répondre après ce que tu dis parce que c’est tellement vrai ! Même moi je me dis « non mais qu’est-ce que je peux rajouter de plus ? » (rires). Non mais, en vrai, certes la vie n’est pas toute rose mais je ne voulais pas délivrer un message fataliste. Une espèce de truc qui te tire vers le bas. Bien au contraire ! C’est pour ça d’ailleurs que tout l’album, et même dans mes clips, ce que je choisis est assez chaud, joyeux, ressort facilement pour ne pas tomber dans ce côté très mélancolique. Même s’il est présent cet aspect, ce n’est pas ça que je veux que l’on retienne. Il y a vraiment la carte de l’espoir, nos meilleurs jours sont demain. J’en tire une expérience et je vais de l’avant, surtout pas ce côté « je me morfonds et on verra, etc… ». D’où le choix d’avoir quelque chose de plus chaleureux, jovial ou dansant.
Live Actu : Ton approche se veut parfaitement transcendante, ton pari est brillamment réussi. Avec ce que tu viens de me raconter, j’ai cette vision en tête du clip « Tous Les Mêmes » de Stromae !
ICON : Oh ! Non mais là je pense que je t’aime vraiment ! Non mais c’est pas possible ! Mais où étais-tu toute ma vie ? (rires) Alors là, non mais là… Non mais c’est fantastique, tu cites exactement… Merci ! En fait, moi ce que j’adorais avec Stromae et surtout avec cette chanson et CE clip, c’était cette espèce de côté où il se met dans la peau des deux personnages. Il a un côté androgyne sur lequel il joue, et justement il montre que des deux côtés il y a une narration qui est différente. Justement, on peut ne pas se comprendre, et lui il va jusqu’à montrer les deux points de vue. Ce qu’il fait c’est fantastique ! Et pour moi, c’était clairement ce genre de positionnement que je voulais, plutôt que moi en tant qu’homme qui dis « voilà les femmes c’est ça… ». Non ! Je voulais vraiment prendre les deux parties et exprimer le tout à travers ma compréhension. C’est très dur, je suis quand même très en retrait. Ça reste de la narration, j’observe une scène et je pose le pour et le contre.
Live Actu : Au final tu décryptes avec des mots très pointilleux. Tout à l’heure tu disais que tu ne voulais pas faire quelque chose de simplet… Paradoxalement, c’est compliqué de faire simple ! Ce côté léger impose une réflexion et une nécessité de lire entre les lignes. Ta musique reflète par des mots simples la complexité de conjuguer entre les hommes et les femmes, ce manque de compréhension et d’appréhension d’un avenir ensemble. La boucle est bouclée ! L’objectif de « Alter Ego », c’est de nous faire relativiser et de nous faire comprendre que nous avons toutes et tous notre âme sœur sur Terre finalement ?
ICON : Exactement ! C’est exactement ça ! C’est une magnifique conclusion ! Pour rebondir un peu, le côté simple des chansons, c’est parce que les relations quelles qu’elles soient, sont toujours compliquées. On sait très bien que ce qui fait et défait une relation humaine, c’est la communication. Là, ce que j’ai essayé de faire, c’était, de la manière la plus simple possible, d’aller droit à l’essentiel pour que le message passe exactement comme je le veux. Et ce n’est pas parce que le message est simple, comme on l’a dit, qu’il est dépourvu de sens profond. Ça, je l’ai fait parce que chacun peut comprendre et interpréter les mots à sa manière. C’est ça qui donne la dimension personnelle de mes chansons car on peut se les approprier. Ce que je dis, n’importe qui pourrait le dire mais à sa manière, et selon sa compréhension. C’est ça que je voulais obtenir !
Live Actu : Merci beaucoup ICON ! Au plaisir de se faire une interview en vrai la prochaine fois !
ICON : Merci à toi ! Ah bah oui, avec grand plaisir, dès qu’on peut c’est quand vous voulez !